AQVA FOROIVLIENSISAQUEDUC ROMAIN DE MONS À FRÉJUSComment restituer les caractéristiques techniques et hydrauliques d'un aqueduc de l'antiquitéVito Valenti © 2002TRAIANVS © 2002 |
MONS | TOURRETTES | CALLIAN | MONTAUROUX | LES ADRETS | FREJUS |
Source Neissoun ê Vallon St Peire |
Vallon St Peire Les Cottes de Callian |
Les Cottes de Callian D562 |
D562 Vallon Charretiers |
Vallon Charretiers Arc Jaumin |
Arc Jaumin Rue Bel air |
4 050 m | 4 230 m | 3 005 m | 7 930 m | 5 260 m | 14 945 m |
Ouvrages spécifiques et franchissements de vallons. Aqueduc restauré en 1890 sur 5km |
Aqueduc souterrain sur tout le parcours | Aqueduc souterrain sur tout le parcours | Aqueduc et ouvrages immergés sur 70% du parcours dans le lac de Saint Cassien | Aqueduc souterrain sur tout le parcours Ouvrages anciennement immergés dans le lac de Malpasset |
Aqueduc souterrain resurgissant en ouvrages monumentaux au franchissement de vallons |
Source Neissoun Cours d'eau de la Siagnole Franchissement de la Siagnole La Roche taillée Arche des Ambres Berges de la Siagnole à St Peire |
Ouvrages modernes de Jas neuf réalisés depuis 1894 avec la remise en service partielle de l'aqueduc pour l'alimentation en eau de Fréjus et Saint Raphaël. |
Pas de superstructure apparente | Site de Fondurane avec la Source de la Foux
et un aqueduc souterrain sur 500 m. Arches de la Basse Carpenée Anciennement, avant la mise en eau du lac de St Cassien en 1970: Arches du Biançon Arc du Friaou Arches du Saoutet |
Arc Jaumin à la limite des communes des Adrets et de Fréjus |
Arc Jaumin Site de Malpasset Arches d'Esquine Arche de Collet Reyran Arches Escoffier ou Sénéquier Arche de Castellas Arches Bouteillière Arche biaise Arches de la Moutte Arche de Gargalon Nord Arches du Gargalon Franchissement du Gargalon Regard de visite Arches Bérenguier Arches Bonnet Arches du Parc Aurélien Arches Sainte Croix Porte de Rome Arches du rempart Castellum divisiorum Aqueduc de distribution rue de Bel Air à Fréjus |
Pourquoi les Romains ont-ils choisi cette source?
Deux facteurs ont été prépondérants dans le choix:
- il fallait trouver une source plus élevée que la ville afin de l'alimenter par gravité
- il fallait une eau de qualité, pure, fraîche, limpide et abondante
Bien que distantes de 28 km à vol d'oiseau de la cité romaine, ces sources étaient les seules à répondre à ces exigences. Voici pourquoi !
Situées à 300 m au dessous du village de MONS, les sources de la SIAGNOLE sourdent au pied d'une falaise, à la jonction du FIL et des NEISSOUNS à la côte + 516 m N.G.F.
Elles naissent dans les conduits karstiques profonds des calcaires du Jurassique supérieur et apparaissent en sources vauclusiennes.
L'alimentation de l'aquifère karstique est assuré par les précipitations sur un vaste (bassin de captation de 95 km2) et l'absorption partielle de certains cours d'eau dans le karst comme l'ARTUBY. Les eaux de pluie s'infiltrent puis circulent dans les fissures, diaclases et galeries de l'immense plateau de CANJUERS et se concentrent vers un secteur très limité qui constituent les résurgences de la SIAGNOLE.
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Selon l'étude de Marc ETIENNE de 1987, la superficie des bassins versants élémentaires se répartie comme suit:
- Bassin versant de la Bruyère: 75 km2 dont 37 km2 dans le bassin d'alimentation des sources de la Siagnole de Mons,
- Bassin versant du Fil: 45 km2 dont 40 km2dans le bassind'alimentation des sourcesde la Siagnole de Mons,
- Bassin versant du Miron: 12 km2 dont 1 km2 dans le bassind'alimentation des sourcesde la Siagnole de Mons,
- Bassin versant hydrographique fermé du Clos Magnan: 9 km2 entièrement inclus dans le bassind'alimentation des sourcesde la Siagnole de Mons,
- Bassin versant hydrographique fermé du Villar: 8 km2 entièrement inclus dans le bassind'alimentation des sources de la Siagnole de Mons.
Le Fil, qui draine le versant Est de la montagne du Malay, les versants Sud-Sud.Est et Est de la montagne du Lachens, l'Ubac de Bliauge et le plateau de Saint-Marcellin, grossit les eaux de la Siagnole de Mons au Sud du village de Mons.
Une station de mesure des débits en rivière a été installée en 1980 par le S.R.A.E. au niveau du Moulin de Mons, pour enregistrer les débits du trop plein des sources et ceux des vallons du Fil et des Gombauds venant grossir la Siagnole en période de hautes eaux. Le S.R.A.E. (Service régional d'Aménagement des Eaux) a estimé à 52 km² la surface des bassins versants du Fil et des Gombauds.
Le régime est ici de type méditerranéen caractérisé par des hautes eaux en hiver avec de nombreuses pulsations correspondant aux périodes pluvieuses. Si la recharge est bonne en hiver, le stockage des eaux dans les aquifères karstiques est assuré et le débit des sources est soutenu pendant l'été. La période la plus critique est généralement l'automne si les précipitations de septembre et octobre sont insuffisantes.
Au cours d'un orage, le débit des sources peut varier de 300 l/s à 15 000 l/s en 24 heures.
L'eau des sources se révèle de première qualité, bien équilibrée en sels minéraux, d'excellente saveur et homotherme à 10°C à l'exutoire.
Une énigme demeure cependant autour de la source romaine dont les équipements anciens de captage et de régulation du niveau de la source ont totalement disparu. Des investigations archéologiques de 1990, les vestiges mis au jour sont de gros blocs en pierres taillées, parfaitement ajustées, liées par des crampons métalliques de scellement et des encoches de calage.
Les archéologues en déduisaient que cet appareillage faisait office de décompresseur renforcé, l'aqueduc normal tel qu'il existait sur le reste du parcours, aurait été emporté par un débit qui à cette époque était énorme et terrifiant.
Cependant, rien n'est définitif en archéologie et ces pierres ont depuis
révélé leur utilisation, plus rationnelle à mon sens.
En effet le bulletin de la Carte archéologique de la Gaule 83/2, résume
ainsi les conclusions des recherches du Centre Archéologique du Var et
du Service Archéologique Municipal de Fréjus:
Aucun aménagement du captage romain n'a subsisté du fait de travaux
médiévaux et modernes. Les premiers vestiges du canal sont situés sur
la rive gauche de la Siagnole à une quarantaine de mètres en aval de la
source.
Des dalles de fond sont encore en place et un amoncellement de blocs de
grand appareil provient de l'élévation du conduit. Ce tronçon de l'aqueduc
est édifié ainsi: des dalles sont scellées sur un lit de mortier ; à leur
face supérieure, elles comportent deux feuillures dans lesquelles viennent
s'encastrer des dalles verticales maintenues par des crampons de fer scellés
au plomb. Les dimensions du reste de l'ouvrage indiquent qu'il y avait
deux rangs de dalles verticales couvertes par des dalles horizontales,
elles aussi assujetties par des crampons. L'ensemble mesure en moyenne
2m de haut et 1,65 m de large, le specus lui-même disposant de 1,34 m
de haut et 0,67 m de large.
Aujourd'hui :
Trois sources ont été captées sur ce site, et sont exploitées actuellement pour la consommation des populations du Haut Var:
- La source romaine NEISSOUN assure les deux tiers du débit et alimente l'aqueduc romain restauré en 1890 sur 5 km jusqu'au partiteur de JAS NEUF,
- la source JOURDAN, captée en 1890 alimente le canal du même nom jusqu'au partiteur de JAS NEUF,
- les sources nouvelles captées en 1918 sont reliées au canal JOURDAN par un conduit.
Je ne possède pas tous les éléments de répartition de débit dans chaque canal, mais il m'a semblé utile de préciser que les débits étaient, le 23 octobre 1983, avant un essai de pompage dans le puits du Figuier de:
- 205 l/s dans le canal romain (source Neissoun)
- 175 l/s dans le canal Jourdan (source Jourdan + sources nouvelles),
Le puits du Figuier réalisé en 1990 est équipé d'un siphon immergé dans le karst que l'exploitant se réserve d'exploiter en cas d'étiage extrême.
Sur le plan d'état des lieux ci-dessous figure l'ensemble de ces équipements.
Le débit dérivé des sources pour la consommation et l'arrosage, en vertu du décret du 14 Février 1928, est de 425 l/s, soit en continu 37 620 m3 par jour et 13 403 000 m3 pour l'année.
En 1998 le volume dérivé de la SIAGNOLE s'est élevé à 9 106 905 m3, soit en moyenne un débit de 290 l/s.
Selon les estimations des hydrauliciens, la production totale naturelle des sources est de 55 000 000 m3 par an, c'est à dire 150 000 m3 par jour ou 3 litres par jour et par français. Ainsi la SIAGNOLE pourrait-elle donner à boire à la France entière? ! ! !
L'eau se révèle de bonne qualité, bien équilibrée en sels minéraux.
Pour la seule consommation urbaine des villes côtières de l'est Varois, la SIAGNOLE livre annuellement plus de 3 000 000 m3.
Les Romains avaient de bonnes raisons d'aller chercher l'eau aussi
loin !!.
6.1.- SOURCE PRIMAIRE DE LA FOUX
Située à Fondurane, dans le lit du Biançon, la source de la Foux a été signalée en 1982 par le Centre archéologique du Var et le Service Archéologique Municipal de Fréjus, comme possibilité de captage pour alimenter Forum Julii.
En 1990, des sondages de recherche des installations et des analyses scientifiques des concrétions calcaires à l'intérieur des ouvrages, ont confirmé l'antériorité de cette ressource par rapport au tronçon d'aqueduc compris entre la Siagnole et Fondurane.
Il en résulte ainsi, dans un premier temps, que pour alimenter Forum Julii, les Romains ont construit un aqueduc de 26 km à partir de la source de la Foux. Puis, lorsque la Ville s'est développée, un second aqueduc de 13,5 km a été réalisé depuis la source de la Siagnole pour rejoindre le premier ouvrage à Fondurane.
Contrairement à la résurgence vauclusienne de la Siagnole, la source de la Foux n'a pas marqué les populations et est restée pratiquement méconnue jusqu'aux dernières découvertes archéologiques. Son débit n'atteint pas les possibilités de la Siagnole et ne pouvait suffire aux besoins d'une ville de 30 000 habitants; ce qui explique l'extension jusqu'à Mons réalisée par les Romains.
A la lumière des récentes découvertes, il est possible que d'autres résurgences et aqueducs viennent se greffer sur cet ensemble. En effet, en Septembre 2001, des fouilles ont mis à jour un nouvel aqueduc au dessus du précédent. Plus petit, construit en pierres de taille, probablement plus ancien. Il est orienté approximativement à 45° de celui que l'on connaît.
Selon la presse locale, d'autres recherches vont être menées par les archéologues, afin de retrouver tout le réseau hydraulique et démontrer que cette région, au sud de Montauroux, a été un remarquable bassin d'alimentation en eau potable de la cité romaine de Forum Julii.
La source de la Foux est un exutoire de ressuyage de la nappe phréatique comprise dans les dolomies, calcaires et grès du Trias. Sa situation topographique lui assure un vaste bassin d'alimentation dans l'alignement des villages de Montauroux, Callian, Fayence et Seillans, jouxtant avec les avancées calcaires du Jurassique inférieur.
Son débit n'est pas connu, évalué à environ 80 litres par seconde en octobre 2001. L'altidute de la résurgence est à + 160 m environ, au niveau du radier de l'aqueduc. Son exploitation suppose une élévation du niveau artésien dans un ouvrage de captage étanche. La source se jette actuellement dans le lit du Biançon qui alimente le Lac de Saint-Cassien.
Il est bon de rappeler que la Source de la Siagnole est à l'altitude + 516 m, avec un débit d'exploitation moyen actuel de 400 litres par seconde.
6.2.- AQUEDUC DE FONDURANE
L'aqueduc au départ de la Foux est inséré dans une tranchée de largeur 2,20m, taillée dans des calcaires peu stables. Un regard ( R6 ) avec dalle en béton est situé à 2,50 m de l'origine de l'aqueduc fermé par un batardeau en bois et une grille métallique. La jonction avec l'aqueduc de la Siagnole a été située au regard R5, à 150 m de la source de la Foux, à l'aval du coude à 90°.
Les pieds droits du conduit sont en petit appareil de 20x12 jusqu'à la
naissance de
la voûte réalisée en béton banché. Sur le tronçon entre R5 et R4 des enduits
de 3 cm recouvrent les pieds droits sur 50 cm. La hauteur sous voûte varie
entre 1,40 et 1,50 m. La largeur du conduit est comprise entre 60 et 68
cm.
A la jonction des deux aqueducs, à moins d'un mètre du regard R5, une rainure entaillée dans chaque pied droit, à moitié cachée par des maçonneries récentes, atteste de l'équipement ancien d'une vanne murale pour isoler la Source de la Foux et permettre l'alimentation en eau de Forum Julii par la Siagnole. Ces récentes maçonneries sont la preuve que la jonction avec l'arrivée de la Siagnole a été murée.
Les deux aqueducs, qui ont alimenté Forum Julii à son apogée, mis bout à bout, cumulent une longueur totale de 39,5 Km.
Depuis deux ans, la mise en valeur des ouvrages romains de Fondurane intéresse les associations et élus locaux. Ces ouvrages constituent des éléments majeurs du patrimoine montaurousien qui possèdent en outre un grand potentiel touristique.
Des chantiers de restauration se sont constitués avec de jeunes bénévoles de divers pays; Français, Allemands, Polonais, Macédoniens.
Les plans, photos et dessins annexés, résultent de mes récentes visites et investigations sur le site en cours de restauration.
Je n'ai pas la prétention de refaire un cours d'hydraulique appliquée, mais il m'a paru essentiel d'évoquer les bases élémentaires de l'écoulement de l'eau dans un conduit, afin d'éclairer le lecteur et l'aider à mieux comprendre la méthode d'évaluation de la quantité d'eau transportée par l'aqueduc romain de FREJUS, depuis sa mise en service au début du premier millénaire jusqu'à son déclin quatre siècles plus tard.
Les facteurs susceptibles d'apprécier l'évolution de la quantité d'eau transportée par un aqueduc sont au nombre de trois:
- la section de l'aqueduc,
- le profil en long de l'aqueduc depuis la source jusqu'à l'ouvrage de répartition,
- la hauteur et l'épaisseur des dépôts laissés par les eaux sur les parois du canal.
Ces trois éléments sont nécessaires pour déterminer les variations de vitesses d'écoulement. Bien entendu leur relevé n'est pas simple et il faudra souvent faire preuve d'imagination lorsque les moyens sont limités.
7.1.- REPARTITION DES VITESSES D'ECOULEMENT DANS UN CONDUIT
Dans un écoulement gravitaire à surface libre, les divers filets liquides parallèles à l'axe d'un conduit ne sont pas animés des mêmes vitesses. Des observations ont démontré que la vitesse des filets est maximale au milieu du courant et diminue lorsqu'on approche des bords du conduit. La diminution d'abord lente devient plus rapide près des parois.
Ce phénomène est très complexe, et, en pratique, on ne tient pas compte des variations de vitesse mais seulement de la vitesse moyenne qui en résulte. Le débit est alors défini comme étant le volume d'eau qui passe en une seconde au droit d'une section d'aqueduc.
7.2.- EQUATION FONDAMENTALE DE L'ECOULEMENT
Considérons le cas d'une section trapézoïdale ABCD,
Si on appelle:
S = aire de la section mouillée ABCD,
P = le périmètre mouillé de cette section soit AB+BD+CD,
Le rapport S/P de la section d'écoulement se désigne habituellement par R ou Rayon hydraulique.
Si de plus on appelle:
I = la pente de la ligne d'eau, donc du radier du conduit,
V = la vitesse moyenne de l'eau,
On démontre que:
S/P x I =f (V) d'où RI = f (V)
Si on appelle:
Q = le débit effectif de l'ouvrage
On a d'autre part
Q = SV
Toute la question revient donc à déterminerf(V)
7.3.- LES DIVERSES FORMULES PROPOSEES
Des résultats obtenus au 19ème siècle par divers ingénieurs, consécutifs à de nombreuses expériences sur des canaux à parois en bois, ciment, pierre de taille, briques, maçonnerie de moellons, terre, avec des sections de formes variables et diverses grandeurs de pente, nous disposons aujourd'hui de plusieurs méthodes d'évaluation de la vitesse d'écoulement des eaux dans les ouvrages.
Le nombre considérable de formules existantes, rend difficile le choix de la formule à employer pour résoudre un problème déterminé.
Le choix définitif appartient essentiellement à l'ingénieur.
En France les formules de DARCY et BAZIN sont les plus utilisées, même si elles disparaissent dans les méandres de l'informatique et de logiciels très sophistiqués.
- la première, dite de DARCY et BAZIN est de la forme:
- la seconde, dite de BAZIN est de la forme:
avec Q = SV
dans laquelle y est un paramètre variable avec la nature de la paroi.
Plus proche des formules de DARCY et BAZIN, les hydrauliciens disposent de la formule de GANGUILLET et KUTTER de la forme:
Avec C = coefficient de rugosité variable suivant la nature des parois de l'ouvrage.
Cette formule est très employée en Allemagne, Angleterre et U.S.A.
Aux Pays-Bas et en Grande Bretagne les ingénieurs préfèrent la formule de Robert MANNING, ingénieur américain, dont la vitesse d'écoulement de l'eau dans un conduit s'exprime de la façon suivante:
Ou K est un coefficient dépendant de la rugosité, d'autant plus grand que les parois de l'ouvrage sont lisses:
-100 pour des parois d'ouvrage réalisées en enduit lissé,
- 70 pour des parois d'ouvrage de maçonnerie de pierre lisse (bien faites),
- 50 pour des parois d'ouvrage de maçonnerie grossière.
J'ai eu l'occasion d'adopter cette méthode avec satisfaction pour le dimensionnement d'ouvrages de transport d'eau en TUNISIE et en ALGERIE.
D'autres ingénieurs tels que EYTELWEIN, PRONY, VINCENT, TADINI, COLEBROOK, nous ont aussi proposé des formules de même nature, mais appropriées à des cas très spécifiques comme les drains et les canalisations sous pression.
7.4.- METHODE ADAPTEE AUX AQUEDUCS DE L'ANTIQUITE
Dans la rubrique "L'évolution du débit des aqueducs gallo-romains" parue dans les dossiers de l'Archéologie N°38 de 1979, l'ingénieur Marcel BAILHACHE analyse ses résultats consécutifs à l'application de la formule de BAZIN dans l'évaluation des débits des aqueducs les plus importants de l'antiquité.
On peut citer:
- l'aqueduc de VIENNE avec 374 000 m3/jour à 186 000 m3/jour (ouvrage neuf à incrusté)
- l'aqueduc de NIMES avec 124 000 m3/jour à 91 000 m3/jour (ouvrage neuf à incrusté)
Ces chiffres sont des maxima car ils supposent le conduit plein à ras bord sur tout le parcours ; la section de ces ouvrages étant de plus de 1,00m².
Le problème à résoudre dans le cas des aqueducs est la recherche du débit optimum car on se donne en général la ou les sections transversales, on détermine la pente des divers tronçons de l'ouvrage par l'étude du profil en long du canal et on fixe la hauteur d'eau limite. Les passages en siphon, s'il en existe, sont alors examinés comme des conduites en charge.
Il est possible, à l'aide de la formule de BAZIN, de résoudre tous les problèmes concernant l'écoulement de l'eau dans les aqueducs dans les conditions indiquées ci-dessus et de calculer en particulier:
- la vitesse d'écoulement et le débit, lorsqu'on connaît le profil transversal, la hauteur d'eau et la pente longitudinale du conduit,
- la hauteur d'eau, lorsqu'on connaît la pente longitudinale du conduit et le débit.
Etablie d'abord pour les écoulements à surface libre en canaux, cette formule se prête aussi bien aux ouvrages en charge. Nous verrons plus loin une simulation de mise en charge accidentelle de l'aqueduc de FREJUS.
Il est néanmoins important de déterminer la valeurgsuivant la nature des parois du conduit.
Dans la formule:
avec Q = SV
BAZIN classe la rugosité des parois en 6 catégories, aux valeurs croissantes de y de 0,06 à 1,75.
Aux journées d'études à LYON les 26 à 28 mai 1977, cette classification a été adaptée par M.BAILHACHE aux aqueducs romains suivants 3 catégories.
Pour l'aqueduc de MONS à FREJUS, mon choix s'est porté sur 3 hypothèses, identiques dans l'ensemble à la classification BAILHACHE, en tenant compte:
- de la nature et du degré de lissage des parois du conduit,
- des différentes déclivités de l'ouvrage et par conséquent de la vitesse d'écoulement de l'eau,
- des relevés des dépôts calcaires constatés entre FREJUS et l'autoroute A8.
Les valeurs de la rugositégsont données dans le tableau de comparaison ci-dessous:
CLASSIFICATION BAZIN | A L'USAGE DES AQUEDUCS DE L'ANTIQUITE | HYPOTHESES RETENUES POUR L'AQUEDUC ROMAINDE MONS A FREJUS PAR Vito VALENTI | ||||||
Réf: Assainissement agricole par M.POIREE & Ch.OLLIER EYROLLES EDITEUR | Journées d'études sur les aqueducs romains 26 à 28 Mai 1977 par M.BAILHACHE | PROFIL EN LONG SCHEMATIQUEPROFILS DU CONDUITRELEVES DES CONCRETIONS CALCAIRES | ||||||
CATEGORIE | y | NATURE DES PAROIS | CAT. | y | NATURE DES PAROIS | CAT. | y | NATURE DES PAROIS |
1 | 0,06 | Parois très unies. Ciment lisse. Bois raboté. | 1 | 0,06 | Sans objet | 1 | 0,06 | Sans objet |
2 | 0,16 | Parois unies. Planches. Briques. Pierres de taille etc. | 2 | 0,16 | Enduits de mortier de chaux (ou étanches) des ouvrages neufs | 2 | 0,16 | OUVRAGE NEUF Parois lisses au mortier de tuileau |
3 | 0,46 | Parois en maçonnerie de moellons. | 3 | 0,46 | Enduits recouverts d'une pellicule d'incrustation. | 3 | 0,46 | OUVRAGE INCRUSTE Parois lisses au mortier de tuileau recouvertes d'une pellicule d'incrustation. Pour les parois d'ouvrage en fonctionnement normal ou en fin de service soumises à des vitesses d'écoulement comprises entre 0,80 et 4,00 m/s sans formation de concrétions calcaires. |
3bis | 0,85 | Parois de nature mixte. Sections en terre très régulières. Rigoles revêtues de perré. | 3bis | 0,85 | Enduits recouverts d'incrustations rugueuses | 3bis | 0,85 | OUVRAGE INCRUSTE EN FIN DE SERVICE Parois rugueuses sur des concrétions calcaires de 10 cm d'épaisseur moyenne (4 à 12 cm) entre le Castellum Divisorium et les arches d'ESQUINE (A8). En particulier dans les tronçons d'aqueduc aux vitesses d'écoulement faibles, inférieures à 0,80 m/s. Même hypothèse de rugosité dans les tronçons soumis à des vitesses d'écoulement supérieures à 4,00 m/s provoquant l'arrachement des éléments fins des enduits. |
4 | 1,30 | Canaux en terre dans des conditions ordinaires. | 4 | 1,30 | Sans objet | 4 | 1,30 | Sans objet |
5 | 1,75 | Canaux en terre présentant une résistance exceptionnelle: fonds de galets, parois herbées . | 5 | 1,75 | Sans objet | 5 | 1,75 | Sans objet |
7.5.- VITESSES LIMITES D'ECOULEMENT
Une vitesse d'écoulement trop faible favorise la production de dépôts qui, avec le temps, finissent par obstruer les ouvrages. A l'opposé, si la vitesse d'écoulement est trop forte, les parois du conduit d'un aqueduc subissent des dégradations par suite du lessivage des éléments fins des enduits. Entre ces deux extrêmes le curage des parois mouillées du conduit est assuré.
Dans le cas de l'aqueduc de FREJUS, mes observations des parois du conduit m'ont conduit à associer plusieurs cas de figure.
En premier lieu les limites des vitesses d'écoulement:
- V < 0,80 m/s - limite de sédimentation - formation de dépôts calcaires sur les parois mouillées de l'ouvrage, (constatés entre FREJUS et l'autoroute A8).
- 0,80 < V < 4,00 m/s - assiette d'autocurage des parois - formation d'une mince pellicule calcaire.
- V > 4,00 m/s - limite de corrosion - érosion considérable des parois d'ouvrage entre l'autoroute A8 et le JAS NEUF sur la commune de CALLIAN.
Ensuite les hypothèses de rugosité des parois du conduit, avec:
y = 0,16 OUVRAGE NEUF.
y = 0,46 OUVRAGE INCRUSTE EN SERVICE OU EN FIN DE SERVICE LORSQUE LA VITESSE D'ECOULEMENT PERMET L'AUTOCURAGE DES PAROIS.
y = 0,85 RESERVE A DEUX SITUATIONS DISTINCTES DE L'ECOULEMENT QUI SONT APPARUES EN FIN DE SERVICE DE L'OUVRAGE:
1° dans les tronçons d'aqueduc présentant des parois rugueuses sur des concrétions calcaires de 4 à 12 cm d'épaisseur,
2° dans les tronçons d'aqueduc soumis à des vitesses supérieures à 4,00 m/s favorisant une augmentation importante de la rugosité. Il n'a pas été possible dans ce cas d'observer les dégradations des enduits et il faudra se reporter aux fortes déclivités du profil en long.
Enfin, une situation mitigée de l'écoulement des eaux dans l'ouvrage en fin de service associant deux hypothèses de rugosité des parois avec y = 0,85 et y = 0,46.
7.6.- COEFFICIENTS DE RUGOSITE ADOPTES
Des résultats des calculs, il en résulte des valeurs de g apparues progressivement selon la chronologie ci-après:
JUSQU'A FIN DU 1er SIECLE | JUSQU'A FIN DU 2è SIECLE | JUSQU'A FIN DU 4è SIECLE | |||||
TRONCON | LONGUEUR km | DECLIVITE MOYENNE | VITESSE DE REFERENCE | OUVRAGE NEUF | OUVRAGE INCRUSTE | OUVRAGE INCRUSTE ENFIN DE SERVICE | |
FREJUS - AUTOROUTE A8 (R - 144) | 11,500 | 0,10% | 0,75 m/s
V < 0,80 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Formation de concrétions calcaires 2 à 12 cm |
AUTOROUTE - MALPASSET (144 - 155) | 0,885 | 1,18% | 1,85 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
MALPASSET - MALPASSET (155 - 165) | 1,245 | 0,16% | 0,85 m/s
V < 0,80 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Formation de concrétions calcaires 2 cm |
ANCIEN LAC DE MALPASSET (165 - 195) | 4,105 | 0,80% | 2,40 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
MALPASSET - LA FUSTIERE (195 - 203) | 1,080 | 3,70% | 4,20 m/s
V > 4,00 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Vitesse d'écoulement excessive Dégradation des parois |
LA FUSTIERE - LAC ST CASSIEN (203 - 206) | 0,565 | 0,88% | 2,50 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
LAC ST CASSIEN - FONDURANE (206 - 240) | 5,750 | 0,14% | 0,81 m/s
V = 0,80 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Formation présumée de concrétions calcaires |
FONDURANE - D562 (240 - 255) | 4,070 | 1,28% | 2,93 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
D562 - CALLIAN (255 - 264) | 1,550 | 9,00% | 5,80 m/s
V > 4,00 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Vitesse d'écoulement excessive Dégradation des parois d'ouvrage |
CALLIAN - CALLIAN (264 - 272) | 1,830 | 1,80% | 3,08 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
CALLIAN - CALLIAN (272- 276) | 0,470 | 8,50% | 5,83 m/s
V > 4,00 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Vitesse d'écoulement excessive Dégradation des parois d'ouvrage |
CALLIAN - CALLIAN (276 - 279) | 0,630 | 3,17% | 3,90 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
CALLIAN - LE JAS NEUF (279 - 285) | 0,740 | 8,10% | 5,48 m/s
V > 4,00 m/s |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,85 | Vitesse d'écoulement excessive Dégradation des parois d'ouvrage |
LE JAS NEUF - SIAGNOLE (285 - SOURCE) | 5,000 | 0,54% | 2,11 m/s
0,80 < V < 4,00 |
y = 0,16 | y = 0,46 | y = 0,46 | Vitesse d'écoulement suffisante à l'autocurage des parois |
7.7.- SECTIONS DE L'OUVRAGE ET PROFIL EN LONG
Dans toutes les formules d'écoulement, les deux éléments essentiels à la résolution des calculs de débits sont:
- la section S du conduit,
- le profil en long préfigurant les pentes I du radier de l'ouvrage.
La section S est en général facile à relever et à reconstituer le cas échéant.
Le profil en long suppose par contre une bonne connaissance du tracé de l'aqueduc.
Le tracé est issu d'un travail de longue haleine, reconstitué en positionnant sur une carte à échelle convenable, les différents ouvrages et indices relevés sur le terrain ou sur des projets récents d'urbanisation. Par extrapolation, dans les zones dépourvues d'indices, le tracé résulte d'une recherche cartographique des déclivités optimales assurant l'écoulement normal de l'eau vers l'exutoire.
C'est par cette méthode qu'a été reconstitué le tracé de l'aqueduc romain sur les bases:
d'un inventaire photographique,
de croquis cotés des ouvrages,
d'une recherche technique du tracé dans les zones où il a disparu.
En l'absence d'un relevé topographique du tracé, les ingénieurs utilisent en général les cartes d'état major de l'I.G.N. sur lesquelles sont mesurées les distances et relevées les altitudes du sol et des points particuliers. Ces opérations, réalisées avec le plus grand soin, permettent d'établir le profil en long du terrain naturel sur lequel sera calé le conduit. La précision des déclivités qui en résulte est suffisante pour le calcul des débits de l'ouvrage.
Pour l'aqueduc de MONS à FREJUS ont été utilisées les cartes de l'I.G.N. au 1/20 000ème éditées en 1934 par le Service Géographique de l'Armée. L'équidistance des courbes de niveau est de 10 m.
Ainsi, cette configuration topographique d'il y a 60 ans a l'avantage d'être vierge des réalisations d'après guerre, notamment les lacs artificiels de MALPASSET et de SAINT CASSIEN, l'autoroute A8 et autres opérations d'urbanisation.
La visualisation stéréoscopique des photos aériennes pratiquée aux abords de FREJUS n'a pu être poursuivie à cause de son coût élevé. Cette recherche aurait été intéressante pour les communes de MONTAUROUX et CALLIAN, entre le lac de SAINT CASSIEN et le partiteur du JAS NEUF sur le CD37. Dans cette zone en effet, l'aqueduc a complètement disparu et son tracé n'a pu être reconstitué que par des approches techniques.
7.8.- REGULATION DU DEBIT
La régulation du débit d'un aqueduc entre sa source et son exutoire de distribution est à la base des précautions d'exploitation que doit respecter le curateur des eaux. Toute erreur du fontainier, même de nos jours, risque d'être fatale à l'ouvrage aussi perfectionné soit-il.
Pour protéger les canalisations modernes, les ingénieurs disposent de toutes sortes de mécanismes et d'appareillages électroniques adaptés aux canaux à écoulement libre et aux conduites en charge:
pour les écoulements à surface libre:
- les modules à masque
- les vannes à niveau aval constant,
- les partiteurs proportionnels,
- les écrêteurs de débit . etc.
pour les écoulements sous pression:
- les vannes électriques,
- les purgeurs d'air et soupapes antibélier,
- les limiteurs de débit ou de pression,
- les brises charges . etc.
Il existe deux modes d'exploitation des ouvrages d'adduction gravitaires:
- par régulation du débit à l'amont, pour les écoulements à surface libre dans les canaux. Le débit est constant et ne peut excéder un certain seuil qui générerait une mise en pression de l'ouvrage.
- par régulation du débit à l'aval . C'est le cas des conduites forcées en fonte ou en béton armé équipées des matériels de protection des surpressions appelées aussi "coup de bélier".
Les schémas ci-dessous figurent, les deux modes de régulation du débit:
Pour expliquer le fonctionnement d'un canal à écoulement libre, le schéma ci-après représente un mécanisme moderne de régulation du débit et un aménagement plus simple utilisé dans l'antiquité:
- le premier est constitué par un levier pivotant autour d'un axe et entraînant un masque mobile. Le débit à l'aval du masque est maintenu constant par l'action d'un flotteur et d'un contrepoids de compensation.
- le second consiste à maintenir dans le canal un niveau constant en déchargeant vers l'extérieur les excédents de débit. C'est le cas aujourd'hui des déversoirs d'orage qui protègent les canalisations d'eaux pluviales de toute mise en charge intempestive.
En parcourant l'aqueduc romain de FREJUS, actuellement en service entre la source de la SIAGNOLE et le partiteur de JAS NEUF sur le CD37, on découvre deux déversoirs qui fonctionnent évidemment lorsque la source atteint une importante remontée du débit.
Maintenant que nous cernons le système d'exploitation de l'aqueduc romain de MONS à FREJUS, qui sans aucune hésitation est bien un ouvrage à régulation de débit à la source, soit par un seuil d'écrêtement, soit par une batterie d'opercules judicieusement installés, peut-on se poser les questions suivantes:
les Romains possédaient-ils l'entière maîtrise d'exploitation de ce difficile ouvrage aux variations importantes de débit à la source?
et si par accident l'aqueduc venait à être obstrué à son arrivée au partiteur de la cité romaine, quelles en étaient les conséquences?
mis à part les regards de visite qui devaient servir de décharge, y avait-il des opercules de délestage pour protéger l'aqueduc en cas de mise en pression imprévue?
quels étaient les moyens de communication pour agir rapidement sur un ouvrage de 40 km de long dans un environnement souvent hostile?
7.9.- MISE EN CHARGE ACCIDENTELLE DE L'AQUEDUC ROMAIN DE FREJUS
La simulation de mise en charge de l'aqueduc, rend compte de sa vulnérabilité entre son point d'arrivée et la descente des collines de CALLIAN. Il en résulte que la surcharge est maximale à mi-parcours, avant la traversée de l'autoroute A8. Hors, le tronçon d'aqueduc à cet endroit, dit " Arches d'ESQUINE ou de BONHOMME ", a été doublé par les ingénieurs romains, probablement à la suite d'éclatements de l'ouvrage provoqués par des surcharges que les techniques hydrauliques de l'époque ne savaient pas maîtriser.
Cette mise en charge accidentelle aurait pu être la conséquence:
- d'une augmentation incontrôlée du débit à la source,
- d'une réduction volontaire du débit d'arrivée au Castellum Divisorium,
- d'un effondrement de la voûte du conduit dans la partie la moins pentue de l'aqueduc, entre la cité romaine et le site de BOZON par exemple,
- de toute intervention susceptible de réduire la section de l'ouvrage.
7.10.- DEBIT D'EXPLOITATION DE L'AQUEDUC ROMAIN DE FREJUS
La résolution de la formule de BAZIN en fonction de la hauteur du conduit et de la vitesse d'écoulement de l'eau qui en résulte, permet d'évaluer pour chaque tronçon l'évolution du débit jusqu'au remplissage complet du conduit. Par approches successives, en examinant particulièrement les tronçons d'ouvrage à faible pente, il est facile de déterminer, pour chaque catégorie de rugosité, le débit optimum de l'aqueduc. Il s'agit évidemment du débit régulé à la source de manière à éviter une mise en charge de l'aqueduc et par conséquent les débordements par les regards de visite.
Les résultats de l'étude sont consignés sur les diagrammes annexés ci-dessous. Ainsi, si les romains avaient scrupuleusement suivi ces quelques consignes d'exploitation, il en résulterait les variations suivantes de la capacité de débit de l'aqueduc:
DEBIT INSTANTANE | VOLUME JOURNALIER | VOLUME ANNUEL | PERTE JOURNALIERE | PERTE ANNUELLE | % PERTE | |
AQUEDUC NEUF, A SA MISE EN SERVICE | 608 l/s | 52 531 m3 | 19 000 000 m3 | 0 m3 | 0 m3 | 0% |
AQUEDUC INCRUSTE EN SERVICE | 415 l/s | 35 856 m3 | 13 000 000 m3 | 16 675 m3 | 6 000 000 m3 | 32% |
AQUEDUC INCRUSTE EN FIN DE SERVICE | 154 l/s | 13 305 m3 | 4 800 000 m3 | 39 226 m3 | 14 200 000 m3 | 75% |
La perte progressive dans le temps, par suite de la formation de dépôts calcaires dans les tronçons à faible vitesse d'écoulement est schématisée ci-après:
AQUEDUC NEUF, A SA MISE EN SERVICE: le premier siècle de son existence: écoulement normal,
AQUEDUC INCRUSTE EN SERVICE: du premier au troisième siècle: 32% de perte de débit,
AQUEDUC INCRUSTE EN FIN DE SERVICE: au quatrième siècle: 75% de perte de débit depuis sa mise en service.
7.11.- SURCHARGE ACCIDENTELLE DE L'AQUEDUC
Nous avons vu au paragraphe ci-dessus, les diverses situations susceptibles de provoquer des surpressions accidentelles. Trois hypothèses font l'objet de simulations à la fin de ce document. Quelle qu'en soit la cause, les résultats sont éloquents:
1ère hypothèse: Ouvrage neuf avec un coefficient y = 0,16. Le débit instantané est évalué à 1 262 l/s. La vitesse d'écoulement en section pleine courante est de 1,86 m/s. La charge piezométrique est maximale près de l'autoroute A8 avec une pression de 29m. L'ouvrage est fragilisé sur 18 km à partir de FREJUS en remontant vers la source, puis sur 5 km au lac de SAINT CASSIEN.
2ème hypothèse: Ouvrage incrusté avec un coefficient y = 0,46. Le débit instantané est évalué à 850 l/s. La vitesse d'écoulement en section pleine courante est de 1,25 m/s. La charge piezométrique est maximale près de l'autoroute A8 avec une pression de 29m. Comme précédemment, l'ouvrage est fragilisé sur 18 km à partir de FREJUS, puis sur 5 km au lac de SAINT CASSIEN.
3ème hypothèse: Ouvrage incrusté en fin de service. Avec des sections tapissées de concrétions calcaires de 2 à 12 cm d'épaisseur. Dans ce cas, la section de parties d'ouvrage est réduite. Le coefficient de rugosité varie de 0,46 à 0,85. Le débit est évalué à 596 l/s. La vitesse d'écoulement en section pleine varie de 0,88 à 1,35 m/s. La charge piezométrique près de l'autoroute A8 atteint 68 m. L'ouvrage est fragilisé sur 28 km entre FREJUS et la plaine de CALLIAN.
7.12.- POPULATION DESSERVIE
Tous les manuels d'hydraulique évaluent les besoins en eau suivant des statistiques liées aux usages domestiques, aux consommations des services publics, à la défense incendie, aux besoins industriels.etc..
On en déduit que pour une ville moyenne de 50 000 habitants, la consommation, tous usages confondus, est de 250 litres par habitant et par jour. Nos réseaux et équipements sont calibrés en tenant compte:
- des besoins journaliers des agglomérations,
- des besoins instantanés aux heures de pointe,
- des capacités de stockage de l'eau.
Dans les équipements modernes très coûteux, tous les systèmes d'adduction et distribution de l'eau fonctionnent en harmonie avec la demande des usagers dans un souci d'économie.
Qu'en était-il de l'aqueduc de FORUM JULII ?
Tous les écrits nous font part que les besoins en eau des peuples Gallo-Romains étaient très importants. Les dimensions des conduits d'aqueduc, les partiteurs, les thermes et fontaines publiques, les canalisations en plomb en sont la preuve. Mais l'exploitation des ouvrages d'adduction et de distribution était différente. Ainsi:
- l'aqueduc, gravitaire entre la source et FORUM JULII, fonctionnait en continu sans réserve de stockage pour palier aux étiages saisonniers,
- le partage des eaux vers les différents quartiers de la cité romaine était assuré par un partiteur, le Castellum Divisorium situé à + 35 m, point le plus haut de l'agglomération, aujourd'hui quartier du Moulin à Vent.
- les besoins en eau par habitant, tout usage confondu, je les évalue à 300 litres par jour,
- au-delà de cette demande, l'excédent apporté par l'aqueduc était destiné à usage agricole ou évacué par un trop-plein. Et pourquoi pas vers le port romain en équipement complémentaire de ravivement du plan d'eau ?
Dans ces conditions, j'ai considéré que la demande en eau s'exerçait sur une durée moyenne de 14 heures sur 24.
Les évaluations consignées dans les deux tableaux ci-dessous mettent en évidence:
- les volumes journaliers apportés par l'aqueduc,
- la capacité de desserte journalière exprimée en m3 et en équivalent habitant,
- les besoins en eau et les excédents journaliers, dans l'hypothèse d' une population de l'ordre de 30 000 habitants estimée par les archéologues.
7.13.- CAPACITE DE PRODUCTION DE L'AQUEDUC
VOLUME JOURNALIER | CAPACITE 14heures/jour | EQUIVALENT HABITANTS | EXCEDENT JOURNALIER aux heures creuses 10h/j | |
OUVRAGE NEUF | 52 531 m3 | 30 643 m3 | 102 000 | 21 888 m3 |
OUVRAGE EN SERVICE | 35 856 m3 | 20 916 m3 | 70 000 | 14 940 m3 |
OUVRAGE EN FIN DE SERVICE | 13 305 m3 | 7 761 m3 | 26 000 | 5 544 m3 |
7.14.- BESOINS POUR UNE AGGLOMERATION DE 30 000 HABITANTS
VOLUMES DISPONIBLES ET EXCEDENTS DANS LE CAS DE L'AQUEDUC DE FREJUS
VOLUME JOURNALIER | Disponibilité 14 heures/jour | Besoins | EXCEDENT Aux heures de Pointe 14h/jour | EXCEDENT Aux heures creuses 10h/j | TOTAL EXCEDENT | |
OUVRAGE NEUF | 52 531 m3 | 30 643 m3 | 9 000 m3 | 21 643 m3 | 21 888 m3 | 43 531 m3 |
OUVRAGE EN SERVICE | 35 856 m3 | 20 916 m3 | 9 000 m3 | 11 916 m3 | 14 940 m3 | 26 856 m3 |
OUVRAGE EN FIN DE SERVICE | 13 305 m3 | 7 761 m3 | 9 000 m3 | moins 1 239 m3 | 4 305 m3 | 4 305 m3 |
A la lumière de l'évolution du débit de l'aqueduc, il en résulte que l'eau était surabondante, susceptible de satisfaire une ville de 100 000 habitants à la mise en service de l'ouvrage. Puis, avec le temps et la diminution progressive du débit, la population a connu des restrictions liées essentiellement à un manque d'entretien et de stockage des excédents. C'était bien le déclin d'une population qui ne gérait plus l'élément essentiel de sa survie.
FREJUS est aujourd'hui une ville de 50 000 habitants, dépassant les 150 000 pendant la saison estivale. En 1998, les volumes d'eau distribués ont été de 5 220 000 m3, soit en moyenne 14 300 m3 par jour. Les ressources d'alimentation sont au nombre de 4:
- La Siagnole avec 1 300 000 m3
- Le Lac de Saint Cassien avec 1 200 000 m3
- La rivière Argens avec 1 400 000 m3
- La nappe phréatique du Fournel avec 880 000 m3
Toutes les eaux sont pratiquement mélangées à la Siagnole.
7.15.- CLASSIFICATION DES AQUEDUCS
L'ingénieur M.BAILHACHE a classé les aqueducs en trois groupes:
1. LES AQUEDUCS DE GRANDE SECTION: supérieure à 1,00 m². On peut citer dans ce groupe:
- l'aqueduc de VIENNE, de section 3,90 m2, avec un débit journalier de 360 574 m3 (ouvrage neuf) à 177 680 m3 (ouvrage incrusté en fin de service), pour une section mouillée de 2,816 m2 environ.
- l'aqueduc de NIMES, de section 2,30 m2, avec un débit journalier de 124 000 m3 (ouvrage neuf) à 91 000 m3 (ouvrage incrusté) puis à 14 630 m3 par suite de l'évolution des incrustations. La section mouillée est de 2,22 m2 à son maximum.
2. LES AQUEDUCS DE MOYENNE SECTION: de 1,00 m2 à 0,50 m2. On peut citer dans ce groupe:
- l'aqueduc de LYON (du GIER), de section proche de 1,00 m2, avec un débit journalier estimé à 24 000 m3 et une section mouillée de 0,858 m2. Les eaux ne sont pas incrustantes.
On reconnaît à présent dans ce groupe l'aqueduc de FREJUS, avec une section d'ouvrage variant de 0,679 m² à 0,795 m² et un débit journalier de 52 531 m3 (ouvrage neuf) à 35 856 m3 (ouvrage incrusté) puis 13 305 m3 (ouvrage incrusté en fin de service). La section mouillée est de 0,785 m² à son maximum.
3. LES AQUEDUCS DE PETITE DIMENSION: inférieure à 0,50 m² Ils sont les plus nombreux. On peut citer:
OUVRAGE NEUF | OUVRAGE EN FIN DE SERVICE | SECTION MOUILLEE MAXI | PENTE POUR 1000m | |
POITIERS | 6 713 m3/jour | 3 168 m3/jour | 0,437 m² | 0,0308 |
SAINTES. 1er canal | 4 085 m3/jour | 2 200 m3/jour | 0,100 m² | 0,8500 |
SAINTES.Nouveau canal | 22 600 m3/jour | 7 860 m3/jour | 0,336 m² | 0,7400 |
PERIGUEUX | 6 170 m3/jour | 3 450 m3/jour | 0,120 m² | 0,6600 |
LUTECE | 2 340 m3/jour | 1 440 m3/jour | 0,098 m² | 0,3290 |
CAHORS | 3 840 m3/jour | 1 960 m3/jour | 0,250 m² | 0,1000 |
RODEZ | 37 800 m3/jour | 25 300 m3/jour | 0,385 m² | 1,6000 |